Il est 15h30 lorsque je quitte l'hôtel en direction d'une première expo, la plus proche, celle de l'église des Frères Prêcheurs. Il s'agit des onze projets retenus pour un prix "découverte". Malgré la chaleur, je prends le temps de lire chaque descriptif. Je n'adhère pas (je ne comprends pas) à certains projets, comme celui des sacs plastiques, je suis fascinée par d'autres. Je vois trop de visiteurs passer rapidement devant les photographies et s'en aller, j'entends parfois des commentaires désobligeants. Mon coup de coeur : Tarrah Krajnak. C'est l'exemple même de photographies qu'on ne peut pas comprendre si l'on ne prend pas le temps de lire le descriptif du projet. Elle reproduit certaines images du maître de la photographie de nue, Edward Weston, dont j'avais découvert le travail quelques années plus tôt au musée Réattu. Autre coup de coeur : Farah Al Qasimi.
Je quitte l'église pour l'expo suivante, à 5 minutes : Magnum et la street photography. Déception : c'est tout petit. Je pensais que ce serait à l'étage, dans la chapelle du Méjean, mais c'est au sous-sol de la librairie Actes Sud. Je me console vite puisque j'en profite pour effectuer une première expédition dans la librairie.
Dernière visite du jour, Échos Système. J'ai beau (tenter de) lire les explications, ça ne me parle pas. Trop étrange, trop chaud, trop lasse. Je ressors.
M E R C R E D I 2 8 J U I L L E T
Fait exceptionnel : IL PLEUT. Je consulte l'appli météo, ça devrait se calmer vers 10h et les températures dépasseront tout de même les 30 degrés cet après-midi.
Je quitte l'hôtel (sous une pluie fine) en direction du lieu le plus éloigné : l'ancien atelier SNCF Mécanique générale. La réhabilitation de cette friche industrielle est terminée. Tout est beau désormais. Propre. Réfléchi. Je suis un peu nostalgique en traversant les jolis jardins, en empruntant les jolis chemins pavés. J'entre à 10h et des poussières dans l'atelier, nous sommes une dizaine. Une première expo, Barbès dans l'objectif de Clarisse Hahn, j'aime beaucoup. "Garçons sensibles", un documentaire constitué d'images d'archives autour de la thématique de l'homosexualité, à la fois touchant, passionnant et affligeant, qui permet de mesurer l'évolution des mentalités ces dernières années (même s'il restera toujours des obscurantistes attardés). Finalement Masculinités, PASSIONNANT. J'y passe deux heures, tant chaque projet mérite que l'on s'y attarde.
Je ressors enfin, il est plus de 13h. Je tente quelques photographies à l'atelier des Forges, avec la tour Luma en arrière-plan, mais rien ne me convainc, je ne déclenche pas. Deuxième lieu du jour : l'école nationale supérieure de photographie. Les travaux des trois élèves diplômées ne me parlent pas du tout. En revanche, je passe un moment agréable dans les Jardins migratoires d'Enrique Ramírez (je peux m'asseoir et il fait presque frais, ça aide). Je m'arrête ensuite à Croisière, impatiente de voir l'expo de Pauline Fargue, découverte il y a quelques années à Arles. Immense déception. La description représente tout ce que je déteste : un verbiage pompeux et vide (quand on a vu l'expo, c'est encore plus hallucinant). Je ne suis certainement pas assez subtile pour comprendre. J'en suis ravie et je le revendique. Malgré ma mauvaise humeur (et ma fatigue et la chaleur revenue), je parviens à apprécier les autres expositions du lieu. Je termine par un petit tour dans la librairie où je prends en photo tous les livres de photographies que je rêve d'acheter un jour (bien trop lourds et volumineux pour ma petite valise).
J E U D I 2 9 J U I L L E T
La journée s'annonce chaude et ensoleillée. Je quitte l'hôtel un peu avant 10h en direction de la place du Forum, puis de la place de la République, sans savoir exactement par quoi je vais commencer. J'entre finalement à l'église Sainte-Anne pour une exposition présentant exclusivement le travail de photographes noirs autour du corps noir, de la culture noire. Il y a des images d'une beauté incroyable (et peu importe la couleur de peau du photographe ou du modèle). Plusieurs coups de coeur.
Je traverse la place de la République pour poursuivre avec les portraits de Pieter Hugo au palais de l'Archevêché. Ça ne me touche pas. Dommage. J'enchaine avec le cloître Saint-Trophime. Je prends le temps de lire et de comprendre les deux projets exposés. Pourtant, ça ne m'interpelle pas. Dommage. Je m'en vais. Je rejoins l'église des Trinitaires qui propose une exposition intitulée Soudan, histoire d'un soulèvement. C'est ce que j'aime à Arles : on peut passer en quelques minutes d'une exposition un peu perchée et pseudo-philosophique présentant des images d'un poinsettia (étoile de Noël) soumis à une lumière intense en automne afin de voir comment réagissent ses feuilles (oui oui) à une exposition poignante documentant un fait historique. J'ai évidemment été bien plus touchée par la révolution soudanaise que l'évolution des pigments du poinsettia.
Il fait de plus en plus chaud, je fatigue, je me dirige donc vers un lieu que je sais climatisé : l'espace Van Gogh. Je découvre l'histoire de la revue Neuf et puis celle de l'Orient-Express. Très intéressantes. Je passe à l'étage pour une exposition prometteuse : Puisqu'il fallait tout repenser – le pouvoir de l'art en période d'isolement. Le titre est racoleur, le descriptif pompeux (et vide). Je suis touchée par certaines photographies (celles d'Adriana Lestido sur les mères de la place de Mai) mais je ne comprends pas le soi-disant fil rouge de cette exposition ni surtout le lien avec la pandémie. Je m'en vais.
Après-midi lecture & sieste dans ma chambre climatisée. Je ressors et j'enchaine trois lieux d'expositions : la chapelle de la Charité (euh...), le Jardin d'été (SUPERBES portraits de Nord-Coréens, aux couleurs très vives, vraiment grandioses, les portraits d'enfants sont particulièrement fabuleux) et le couvent Saint-Césaire (encore un EUH).
Je sature, je me promène dans les ruelles écrasées de soleil. Je retourne chez Actes Sud (j'arrive à la fin du roman acheté mardi). Je prévois de n'acheter qu'un livre, finalement j'en prends DEUX, deux romans scandinaves.
V E N D R E D I 3 0 J U I L L E T
Quatrième et dernier jour de mon forfait, il me reste trois lieux à découvrir. Le ciel est couvert, on n'annonce "que" 29°, alléluia.
À 9h50 je me dirige vers l'expo que j'ai volontairement gardée pour le dessert : Sabine Weiss dans la chapelle du tout nouveau musée de Provence. Je commence par voir le documentaire qui est proposé. Je suis seule, je déguste chaque image, chaque mot, dérangée par aucun commentaire d'autres visiteurs. Je prends ensuite le temps de découvrir chaque photographie. C'est à la fois magnifique et passionnant. Je ressors émerveillée, je m'assieds un moment dans la cour du musée face à des vestiges romains.
Je retrouve la rue. Le ciel est toujours voilé. Je n'ai pas envie d'enchainer avec les deux derniers lieux, je flâne. Je rejoins le quartier de la Roquette, loin des pas des touristes. Je sors (enfin) mon appareil photo, fière de m'être tellement reconnue dans ce que dit Sabine Weiss sur la photographie argentique et numérique. Je me perds dans les ruelles, au hasard. Les odeurs et les bruits me plongent dans un bien-être et un apaisement incroyables.
Je retrouve la civilisation. Je passe (encore) chez Actes Sud. C'est climatisé (bonheur) et désert (re-bonheur). Je m'installe dans un petit fauteuil juste devant les étagères consacrées à la littérature scandinave. J'aurais aimé trouver d'autres romans de Gyrdir Eliason, mais il n'y en a pas en stock. Je repars quand même avec TROIS romans (et des milliers de photos de premières de couverture d'autres romans que j'ai envie d'acheter plus tard, un jour). Je rentre à l'hôtel pour ma séance lecture & sieste climatisées.
En fin d'après-midi, je ressors et je me force un peu à visiter les deux derniers lieux, les trois dernières expos. Désidération : bien trop perchée pour moi. Charlotte Perriand : intéressante. Le jardin des voyageurs : l'endroit est agréable, je découvre ce jardin, juste à côté de la gare, devant lequel je suis passée 100 fois sans jamais m'arrêter ; l'exposition ne me touche pas.
Je rentre à l'hôtel et je m'installe dans la cour pour ma dernière soirée.
S A M E D I 3 1 J U I L L E T
Dernier matin. Le ciel est encore voilé, tant mieux. Je descends petit déjeuner tôt, avec mon cabas et mon appareil photo. Je pars directement vers le marché du samedi. Dès que j'arrive boulevard des Lices, je pars vers la droite. Les stands de fruits et légumes font place à ceux de vêtements, de chaussures, de quincaillerie. Plus j'avance, plus les stands sont modestes, la marchandise de piètre qualité. Des foulards ou des voiles cachent les cheveux des femmes, les hommes se saluent en arabe, dans un long rituel durant lequel ils se serrent la main et se tiennent le bras. C'est très beau, très chaleureux. Une jeune femme, qui distribue des prospectus, discute avec un commerçant. "Oui c'est très grand, il y a deux marchés, celui des bourgeois et celui des pauvres, ici c'est celui des pauvres". Je souris derrière mon masque. Parce que oui, le masque est à nouveau obligatoire dans les rues du centre d'Arles depuis jeudi. Je l'ai découvert ce matin sur un panneau, boulevard des Lices. Déprimant.
Arrivée au bout du marché des pauvres, je rebrousse chemin puis rejoins celui des bourgeois : primeurs, traiteurs, paniers, poteries (made in China), boutis (idem). Le touriste bourgeois n'est pas très regardant sur la provenance de ses souvenirs. J'ai toujours eu une préférence pour le côté arabe, plus populaire.
Je retourne dans le centre. Hôtel, valise. J'arrive à la gare bien assez tôt. Je prends quelques photographies sur le quai. À 12h18, le TER entre en gare. Après une heure, Marseille St-Charles. À 13h52, TGV pour Genève. Un troisième, puis un quatrième train, un taxi sous la pluie. À 20h15, je retrouve mon nid, mi-heureuse, mi-nostalgique.