Réveil à 4h, bus de 5h45, train de 6h, TGV de 8h38, puis un autocar entre Avignon et Arles. Arrivée à Arles, j'ai trainé ma valise dans les ruelles écrasées de soleil, j'ai zigzagué entre les touristes : à 14h, les Arlésiens ne sont pas fous, soit ils travaillent, soit ils siestent.
J'ai rejoint mon hôtel chéri, j'ai retrouvé par hasard la chambre 18, dans l'annexe, déjà occupée l'été passé. Je me suis installée et suis ressortie vers 17h, je me suis perdue dans des ruelles peu courues (mes préférées), j'ai pris mes premières photographies, je suis passée à la billetterie pour le plan des expos. J'ai passé ma soirée sur la "terrasse de toit" de l'hôtel. Bonheur.
Mardi matin, j'ai commencé mon marathon photographique, je l'ai couru en douceur, calmement, lentement, j'ai pris le temps de déguster chaque exposition. Je ne comprends pas ceux qui achètent le forfait "journée" et avalent le maximum d'expos, de l'ouverture à la fermeture, de 10h à 19h30, afin de rentabiliser l'investissement. Où est le plaisir ? Quel est le but ? Pouvoir clamer fièrement "je suis allée à Arles, j'ai vu 36 expositions" ? Vues, juste vues. Pas regardées. Et souvent pas comprises. Je me souviens d'un homme qui disait fièrement à son fils, alors que celui-ci lui montrait le panneau de présentation de l'exposition de Gregor Sailer, "moi je ne lis jamais les présentations". Comment comprendre ces photographies sans connaître l'histoire des villages Potemkine ? Je me souviens d'un couple entré juste après moi dans la première salle de la commanderie Sainte-Luce. Ils ont jeté un oeil aux photographies de Laura Henno, dix secondes. "Tu connais ? - Non. - Ça t'intéresse ? - Non. On s'en va." Cette exposition est une merveille, les photographies sont poignantes (si l'on prend le temps de lire l'explication du travail de la photographe, de sa démarche) et dans la seconde salle, un film d'une vingtaine de minutes est projeté, incroyablement beau, émouvant, stupéfiant parfois, drôle aussi.
Cette année, mes coups de coeur sont nombreux. Il y a eu (dans le désordre) :
Laura Henno, Rédemption
Robert Frank, Sidelines
Raymond Depardon, Depardon USA 1968-1999
Paul Graham, La blancheur de la baleine
Taysir Batniji, Gaza to America, home away from home
Yingguang Guo, La joie de la conformité
Ann Ray, Les inachevés - Lee Mc Queen
Matthieu Ricard, Contemplation
Véronique Ellena, Rétrospectives
Alfred Latour, Cadrer son temps
Mention spéciale pour Ann Ray et Matthieu Ricard. Je rentre avec des images plein la tête, quelques pellicules aussi, quatre couleurs et deux noir/blanc. J'ai photographié les rues d'Arles, des portes et des fenêtres (comme toujours, comme partout), les Arlésiens les jours de marché, en particulier les femmes musulmanes, leurs robes et leurs hidjabs colorés, tellement plus élégantes (et photogéniques) que les touristes en mini-corsages et mini-shorts. J'ai photographié les supporters dimanche après-midi, en noir et blanc afin d'effacer le bleu et le rouge. Seuls quelques maillots de Griezmann permettent d'identifier la nation. J'ai photographié les lieux où se tenaient les expositions, ateliers désaffectés, maisons abandonnées, églises et chapelles déconsacrées, anciens palais à la fois somptueux et décatis. Les scénographies sont souvent splendides.